Rosberg accule Hamilton aux Combes

Si rien n’est encore fait dans le Championnat du Monde des pilotes 2014, en choisissant de maintenir sa trajectoire extérieure dans le deuxième passage aux Combes, lors du Grand Prix de Belgique de ce dimanche, Nico Rosberg a provoqué un incident de course qui met Lewis Hamilton dans une position très inconfortable.

Car avant toute autre chose, nous sommes bien, au vu des images et de l’absence d’enquête des commissaires, en face d’un incident de course : si, en effet, Rosberg pouvait tout à fait éviter l’accrochage en levant le pied et en abandonnant l’extérieur, Hamilton s’est rabattu sur une trajectoire déjà occupée et pouvait lui aussi éviter le contact en laissant une largeur à Rosberg. Le Britannique étant la plus grande victime de l’incident, d’aucuns en ont ressenti un sentiment d’injustice qui, de prime abord, dirige la majeure partie de la responsabilité vers le pilote allemand et a fait entendre une bronca déplacée qu’Eddie Jordan s’est, Dieu merci, fait un plaisir de condamner.

Objectivement, Rosberg n’était aucunement dans la position de provoquer délibérément un accrochage. D’une, parce que, le championnat étant encore long, il a davantage besoin de creuser l’écart que d’empêcher son adversaire de marquer au risque d’abandonner lui-même. Il semble donc très hasardeux pour lui de s’exposer à un potentiel retour de bâton si sa course s’arrêtait là alors qu’Hamilton poursuivait la sienne. De deux, parce que les commissaires veillent au grain et n’hésiteraient pas à sanctionner toute manœuvre intentionnelle, bien que sans doute pas au même point que Michael Schumacher, exclu du championnat 1997 pour sa défense sur Jacques Villeneuve à Jerez – il faut bien préserver l’intérêt de la fin de saison.

Ce fait de course est en tout cas un classique du genre, où aucun des deux pilotes en présence ne cède face à l’autre. Et c’est en cela que l’attitude de Rosberg, probablement préméditée – sans que l’accrochage soit intentionnel – fait coup double. D’une part, il s’en sort sans dommage rédhibitoire et ne doit sa décevante deuxième place qu’à une course par moments brouillonne et un dernier arrêt un poil trop tardif, alors que le Grand Prix de son coéquipier s’arrête virtuellement là. Si l’écart, désormais de 29 points, est loin d’être significatif, il va forcer Lewis Hamilton à prendre quelques risques supplémentaires.

Et c’est là la deuxième conséquence : jusqu’ici, le Champion du Monde 2008 avait pu faire preuve d’une agressivité débordante lors de ses différentes passes d’armes avec son coéquipier, notamment lors du Grand Prix de Bahreïn où il lui avait à plusieurs reprises claqué la porte au nez. Le Rosberg d’alors prenait sur lui pour garder les deux F1 W05 Hybrid en un seul morceau en jouant, un tant soit peu, la carte de l’équipe dans des situations tendues. Désormais, et les fuites du débriefing orchestrées par Hamilton après la course en témoignent, ce ne sera plus le cas : le natif de Stevenage devra réfléchir à deux fois avant de résister face à son équipier, une situation qui, sur les sept courses restantes, a des chances non négligeables de se produire. Il n’appartiendra donc désormais plus qu’à lui d’éviter les accrochages, d’autant plus vu la nécessité de rester en course qui ira croissante au fur et à mesure que l’on se rapprochera d’Abu Dhabi. Le Britannique est prévenu : Nico Rosberg, lui, forcera sa nature – ou la changera – et se donnera le droit de prendre à loisir les trajectoires qu’il jugera bon d’occuper – dans les limites du règlement, il va de soi.

C’est d’autant plus fort que c’est là une des faiblesses du Britannique, qui, même si la tendance est à la baisse, fait régulièrement montre d’une incapacité à laisser filer une position pour éviter un accrochage dont les conséquences pourraient être fâcheuses. Puisqu’il faut être deux pour que cela arrive, les plus beaux exemples l’avaient opposé à Pastor Maldonado (Monaco 2011, Europe 2012) et, évidemment, à son ennemi de toujours Felipe Massa (Japon 2008, Monaco 2011, Singapour 2011, Japon 2011, Inde 2011), deux pilotes possédant eux aussi, à divers degrés, cette caractéristique peu enviable.

Reste pour Lewis Hamilton à passer outre, après deux réactions initiales négatives. Dans un premier temps, c’est l’abattement du Britannique qui a prédominé, le suite de sa course étant inexistante, certes du fait des probables dommages infligés par la crevaison, mais surtout à cause de la démotivation qu’ont mis au jour les multiples messages radio incitant son équipe à accepter son abandon alors qu’il restait potentiellement quelques chances, notamment en cas de neutralisation, de remonter et marquer quelques points. Mais surtout, dans un second temps, c’est la volonté de polémiquer qui s’est emparée du porteur du numéro 44 via ses déclarations après course, lorsqu’il a affirmé à tort que Nico Rosberg avait avoué en réunion avoir délibérément provoqué le contact, dans une libre interprétation de ses propos. Au mieux, il s’agissait de maladresse provoquée par un malentendu – ce que s’est empressé d’avancer Toto Wolff -, au pire, il a cherché à retourner la manœuvre de Rosberg contre lui en tordant la vérité à son avantage, ce qui était de toute façon inutile au vu de la vox populi qu’a dû affronter le pilote allemand pendant la cérémonie du podium. Mais même s’il n’a pas – plus ? – les faveurs du public, à défaut d’avoir porté un coup fatal aux chances d’Hamilton au championnat, l’Allemand lui a porté un coup psychologique que le Britannique devra désormais surmonter.

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