Jules Bianchi : paroles d’un père

Dans un entretien accordé à la Gazetta dello Sport, Philippe Bianchi revient sur l’état de santé de son fils, Jules, mais pas seulement. Si les titres de nos sites Internet préférés vont naturellement mettre en avant ses déclarations sur « la situation désespérée » du pilote Marussia et sur le fait que les médecins auraient assuré à la famille que l’état du Niçois relevait « déjà du miracle », ce sont plutôt les déclarations d’un père que je voudrais mettre en avant : « Des fois, je regarde Jules étendu sur le lit, sans une égratignure, et j’ai envie de lui mettre une claque et de lui dire : « Bon allez, lève-toi, qu’est-ce que tu fais allongé là ? Allez, on s’en va, on rentre à la maison. » »

Comme tout père, Philippe Bianchi voit en son fils un battant qui « va réaliser le tour de qualification le plus important » de sa vie et a l’intime conviction qu’il « ne lâche rien ». Evidemment, Philippe Bianchi se prépare aussi à affronter le pire, tout en souhaitant le meilleur : « Dès que le téléphone sonne, nous savons que ça peut être l’hôpital pour nous dire que Jules est mort. Mais au début on nous disait que les premières 24 heures seraient cruciales, puis c’est passé à 72 heures et nous sommes encore là, aux côtés de Jules qui se bat. Je le vois, j’y crois, je lui parle : je sais qu’il m’entend. »

Et le Français, qui a déjà vécu la douleur de perdre un proche en course, de balayer, pour le moment, du revers de la main, les polémiques entourant les circonstances de l’accident : « Ce n’est pas le moment de parler. Je n’ai pas vu la vidéo de l’accident et je ne veux pas la voir : ça me rendrait fou. Notre famille a besoin de donner toute son énergie à Jules pour lui faire sentir que nous sommes avec lui et que nous voulons le ramener à la maison. Pour le moment, il n’y a que lui qui compte. »

Mais surtout, Philippe Bianchi, et avec lui toute la famille de Jules, se retrouvent à devoir partager leur combat et leur douleur avec de sombres inconnus. Nous souffrons tous de l’accident de Jules, nous pensons tous partager la peine de ses amis, de ses proches voire de ses parents, un sentiment que connaît Philippe Bianchi : « Je n’étais pas bien quand Schumacher a eu son accident. Moi aussi, comme tout le monde, je me demandais pourquoi on ne nous disait pas les choses, comment il allait. Mais aujourd’hui que ça m’arrive, je comprends. A tous ceux qui me demandent comment va Jules, je ne peux pas donner de réponse. Il est dans un état grave mais stable. Un jour ça semble mieux, l’autre c’est moins bien. Les médecins ne se prononcent pas : les conséquences de l’impact sont grandes mais ils ne savent pas comment ça va évoluer. Comme avec Schumacher, il a fallu des mois avant qu’il sorte du coma et puis j’ai lu que Jean Todt espérait qu’il puisse mener une vie quasiment normale. Voilà, un jour, j’espère pouvoir en dire de même. »

Alors, quelle leçon tirer de l’interview de Philippe Bianchi ? Que l’état de son fils est grave ? On le savait déjà. Qu’il relève du miracle ? Ce fût généralement notre réaction au moment de visionner les images de l’accident. Non, non ! Ce qu’il faut retenir de cette interview c’est qu’il s’agit de la parole d’un père confronté à l’inconcevable pour tout parent. Un père qui a le courage de partager avec nous un moment d’intimité et qui a d’une certaine manière la force de compatir avec la douleur qui peut être la nôtre, de nous accompagne face aux tumultes d’émotions et de sentiments qui nous animent. Mais il s’agit surtout des paroles d’un père qui se livre à cœur ouvert mais qui, en faisant cela, fixe également la limite. En lisant cette interview, on a simplement le sentiment que, si Jules Bianchi est évidemment entre de bonnes mains avec son père, nous le sommes aussi.

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