2010 : les fantômes du passé

Jeudi dernier, les photographes et les pilotes encore en lice pour le titre, étaient conviés pour une séance photo des plus exceptionnelles puisqu’il s’agissait ni plus ni moins que de refaire le cliché pris à Estoril, en 1986, avec les quatre prétendants au titre d’alors.

Il est vrai que la saison 2010 est exceptionnelle du simple fait qu’à 3 courses du verdict final, pas moins de 5 pilotes se tiennent en 31 points, autrement dit l’équivalent d’une douzaine de points seulement avec le barème « historique » de la F1, soit à peine plus d’une victoire.

Le graphique ci-dessous montre le nombre de pilotes encore en lice pour le titre de champion lors de chacune des trois dernières courses, depuis 1973.

1973 est la première saison de l’histoire de la F1 à compter 15 courses à son calendrier. Or, pour que la comparaison soit le plus juste possible, il est nécessaire d’avoir une saison relativement longue. En effet, en 2010, il reste 5 pilotes en lice pour le titre après 16 courses, soit autant d’occasions pour les pilotes de faire la différence. La situation qui nous semble exceptionnelle en 2010, ne l’était pas au début des années 1980 puisque de 1979 à 1983, il y a toujours eu au moins 5 prétendants à 3 courses de la fin de la saison, alors que les saisons comptaient, 14 ou 15 Grands Prix, avec pour seule exception, 1982 et ses 16 Grands Prix, sur laquelle nous ne manquerons pas de revenir. Inversement, depuis le début des années 1990, alors que le calendrier a toujours eu au moins 16 épreuves, cette situation est devenue plus rare avec 2003, 2008 et 2010.

La longueur d’une saison est un paramètre pouvant expliquer l’occurrence de ce genre de situation en tête du championnat, 2010 étant, pour le moment, l’exception confirmant la règle. Ce n’est cependant pas le seul paramètre, puisqu’il faut tenir compte des progrès faits en termes de fiabilité depuis le début des années 1980. Alors qu’il y a 30 ans, les moteurs turbo faisaient leur apparition avec les célèbres « Théières Jaunes » avec tous les problèmes de fiabilité que cela a pu causer, les années 2000 sont marquées par une réglementation qui, certes, a cherché à bouleverser l’ordre établi, mais qui a aussi instauré des quotas de moteurs et de boîtes, qui ont poussé tout naturellement les écuries dans la voie de la fiabilité. Au début des années 1980, il n’était donc pas rare de voir les leaders abandonner sur problème mécanique, perdant ainsi de nombreuses occasions de faire la différence.

Ces deux paramètres (longueur de la saison et fiabilité) contribuent donc à faire de cette saison 2010 une saison exceptionnelle. Elle l’est d’ailleurs d’autant plus que l’écart entre les prétendants au titre est infime.

Le graphique ci-dessous présente l’écart entre les prétendants au titre lors des saisons qui en ont compté au moins 4 (comme en 1986), et, si possible, l’écart entre les 5 principaux prétendants. Des barèmes différents ayant été appliqués (9 points pour le vainqueur jusqu’en 1991, 10 jusqu’en 2009 et 25 en 2010), la différence a été traduite en nombre de victoires séparant le premier du dernier prétendant.

Le plus petit écart entre les prétendants au titre remonte donc à 1999 avec 1,2 victoire mais pour 4 pilotes seulement. L’écart, en 2010, est de 1,24 pour 5 pilotes (et de 1,12 si on ne tient compte que des 4 premiers). En 1975, 1983 et 2008, il restait toujours 5 candidats au titre à 3 courses de la fin du championnat, comme en 2010, mais la différence était bien plus substantielle avec presque 3 victoires de retard pour le dernier prétendant : autrement dit, plus aucune chance de titre réelle.

Avant d’aborder les trois dernières étapes de cette saison 2010 exceptionnelle, l’équipe du SAV de la F1 vous propose donc de revenir sur 3 autres « exceptions » mathématiques : 1982 et ses 11 prétendants au titre, 1986 et son carré magique et 1999. Fait notable ces saisons-là : le champion pilotes n’était pas dans l’écurie championne du monde…

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1982

Le début de saison

Le premier adjectif qui vient pour qualifier la saison 1982 peut-être, sans conteste : chaotique. Entre les tensions politiques, les accidents, les décès de Villeneuve et Paletti, les 11 vainqueurs différents et un Rosberg qui enregistra, en Suisse, sa première et unique victoire avant de devenir champion du monde, la saison 1982 a tout d’une saison chaotique.

À trois Grands Prix de la fin, alors qu’il reste 27 points à distribuer au maximum au classement pilotes, ils ne sont pas moins de 11 pilotes à encore pouvoir prétendre au titre.

Parmi eux, Didier Pironi, double vainqueur jusqu’à son terrible accident d’Hockenheim alors qu’il devait s’élancer de la pole position pour le Grand Prix et qui mit fin à sa carrière. Nelson Piquet et Keke Rosberg font également parti du club des 11 mais se virent privés de leur doublé acquis au Grand Prix du Brésil, deuxième levée de la saison, pour poids non-conforme de leur monoplace. Lauda connut le même sort, et pour les mêmes motifs, en Belgique, tandis que Gilles Villeneuve allait être disqualifié du Grand Prix des États-Unis Ouest après que son aileron arrière ait été déclaré illégal, avant de nous quitter dans les conditions que chacun sait, quelques semaines plus tard, à Zolder. À cela s’ajoute le boycott du Grand Prix d’Italie auquel ne participeront ni les Brabham, ni les Lotus, ni les Williams, ni les McLaren.

Tous ses évènements sont autant d’occasions ratées pour les poids-lourds du championnat et autant d’opportunités que saisissent les challengers. Ainsi, au soir du Grand Prix d’Autriche, à 3 courses du but, Pironi est toujours leader bien que ne participant plus au championnat, avec 39 points. Rosberg, avec 33 points, est le leader « virtuel » devant Lauda, Watson, Prost et de Angelis qui sont à portée de victoire, ou à peine plus, tandis que Patrese, Tambay, Arnoux, Piquet et Alboreto entretiennent toujours la flamme de leurs espoirs personnels.

Prost dira plus tard : « 1982 fut une année de merde […], pesante, agaçante, et pire encore, tragique. […] Pour devenir champion, il fallait un moral et une voiture en acier forgé. »

Grand Prix de Suisse

Patrick Tambay (qui n’a pas débuté la saison et a remplacé Villeneuve chez Ferrari au pied levé) renonce à prendre le départ, victime d’une douleur dans le dos qui le force à renoncer, du même coup au titre : ils ne sont alors plus que 10 !

Prost signe la pole devant son coéquipier chez Renault, Arnoux ! Mais l’attraction de cette grille de départ était les Brabham de Patrese et Piquet, qui avaient annoncé leur intention de ravitailler en pneus et en essence pendant la course, ce qui ne se faisait pas à l’époque. En effet, après avoir vu Prost l’emporter en Afrique du Sud grâce à un changement de pneumatiques opportun après une crevaison, Bernie Ecclestone et Gordon Murray comprirent le gain qu’il pouvait y avoir à ravitailler en pneus et en essence pendant la course et bénéficier ainsi d’une voiture plus légère et efficace que la concurrence au départ. Et en effet, rapidement, Nelson Piquet prit l’ascendant sur Lauda et Patrese pour pointer en 3ème position, avant de chiper la 2ème place d’Arnoux au 2ème tour. Au 40ème tour, le Brésilien effectua l’arrêt tant attendu, ressortant 5ème derrière Prost, Arnoux, Rosberg et Lauda. À quelques tours de la fin, Arnoux abandonna, perdant ainsi toutes ses chances de titre sur un problème d’injection. Rosberg eut ainsi la route ouverte derrière Prost qu’il remonta rapidement avant de le dépasser. Après avoir bouclé un tour de plus que prévu, l’organisation ayant oublié d’abaisser le drapeau à damier, Rosberg remportait sa première victoire en carrière, devant Prost et Lauda. Le Finlandais accrut ainsi son avantage au championnat, éliminant de fait, de Angelis, Alboreto, Patrese et Piquet de la course au titre.

1er – Rosberg (42 pts) ; 2ème – Pironi (39) ; 3ème – Prost (31) ; 4èmes – Lauda et Watson (30).

Grand Prix d’Italie

Le Grand Prix disputé à Monza fut marqué par le retour de « Super Mario » en Formule Un, chez Ferrari, quelques mois à peine après une pige chez McLaren pour palier l’absence de Carlos Reutemann qui venait d’annoncer son départ immédiat à la retraite. Le titre constructeurs déjà en poche, et sans espoir de voir un de ses pilotes champion, depuis l’incident de Pironi et le forfait de Tambay en Suisse, Ferrari mise sur une victoire de prestige, à domicile. Andretti signe la pole position devant Piquet et Tambay, qui éprouve toujours une certaine douleur au dos. Les Renault sont en retrait, 5ème et 6ème, devant Keke Rosberg tandis que Watson place sa McLaren en 12ème position.

Le premier tour fut particulièrement mouvementé après un départ raté d’Andretti tandis que Prost échouait dans sa tentative de prendre la tête à cause d’un passage dans l’herbe qui le força à rétrograder. Piquet se retrouva en tête mais fut dépassé par Tambay, Arnoux, Patrese et Andretti, victime d’un problème d’embrayage qui le contraignit à l’abandon au 7ème tour. Patrese s’intercala ensuite entre les deux pilotes français avant de connaître la même mésaventure que son coéquipier. Au 7ème tour, Prost porta l’estocade sur Andretti, alors 3ème, et l’ordre resta inchangé jusqu’à l’abandon du « Professeur » au 27ème tour sur un nouveau problème d’injection. Fin des espoirs de sacre du français, tout comme pour Lauda qui vient d’abandonner, au 21ème tour, sur un problème de freins, sans regrets : il était 9ème et loin des points.

Seul candidat au titre à profiter de la course discrète et sans point de Rosberg (8ème), John Watson qui termine au pied du podium où s’installe Arnoux devant les deux pilotes Ferrari. Le Britannique revient donc à 9 points de Rosberg, soit l’équivalent d’une victoire.

1er – Rosberg (42 pts) ; 2ème – Pironi (39) ; 3ème – Watson (33).

Grand Prix de Las Vegas

A Las Vegas, la donne est simple… La victoire est impérative pour Watson qui doit également compter sur un résultat blanc pour Keke Rosberg. Dans un tel scénario, les deux pilotes seraient à égalité mais le Britannique l’emporterait au bénéfice du nombre de victoires (2 avant cela).

La tâche, déjà difficile pour Watson, se complique après les qualifications dominées par les pilotes Renault, au premier rang desquels se trouve Prost, puisque Rosberg se qualifie 6ème alors que Watson doit se contenter de la 9ème place.

Le jour de la course, Tambay renonce une nouvelle fois suite à son problème de dos, ce qui permet à Watson de gagner une place sur son rival avant même le départ. Les Renault prennent le meilleur envol, Prost devançant Arnoux qui ne tarde pas à dépasser le Français avant d’abandonner sur problème moteur au 19ème tour. Watson, après un mauvais départ, livre une course d’attaquant, dépassant Laffite, Daly et Warwick en quelques tours, avant de s’offrir le scalp de Piquet et de se retrouver dans la roue de Rosberg qui respecte son plan de route : éviter les ennuis. Au 15ème tour, le Britannique passe enfin le Finlandais avant de prendre l’avantage sur Andretti puis Cheever dans les tours qui suivent et récupère ainsi la 3ème place derrière la Tyrrell d’Alboreto, mais déjà trop loin.

Au 52ème tour, Prost, en proie à des problèmes de moteur, cède la tête de la course à Alboreto, avant de s’incliner face à Watson au 55ème tour, puis face à Eddie Cheever. Alboreto remporte alors sa première victoire en carrière, devenant à l’occasion le 11ème vainqueur différent de cette saison de folie et de drames. Watson perd le titre avec cette belle deuxième place, mais sans regrets puisque Rosberg boucle la course en 5ème position, conquérant ainsi le titre le plus ouvert de l’histoire de la Formule Un.

1er – Rosberg (44 pts) ; 2èmes – Pironi et Watson (39).

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1986

Le début de saison

Sans conteste, le parallèle établi entre les saisons 1986 et 2010 semble des plus judicieux. D’abord parce qu’il est assez facile de trouver des équivalents entre les pilotes : Piquet, le double champion du monde ; Prost, le champion en titre, qui plus est un pilote fin stratège ; Mansell, dans les bottes d’un Mark Webber (mais qui aura mis tout de même moins de temps à éclore au premier plan) et enfin Senna, l’étoile montante de la F1, celui dont on ne doute pas qu’il sera champion un jour. Ensuite, le parallèle vaut aussi, parce qu’une écurie sort du lot et soulève des polémiques sans pour autant véritablement concrétiser sa domination dans le classement pilotes, et cela en partie à cause de la « rivalité » les opposants.

La « Bande des quatre » comme les surnomment alors les journalistes, a dominé la saison, avec 4 victoires pour chacun des pilotes Williams (à Piquet le Brésil, l’Allemagne, la Hongrie et l’Italie, à Mansell la Belgique, le Canada, la France et la Grande-Bretagne), 3 victoires pour Prost, dont la plus prestigieuse d’entre toutes, Monaco, tandis que Senna s’est imposé à deux reprises.

Dans l’exercice des qualifications, Senna est de loin le meilleur avec 6 poles jusque-là, Piquet étant deuxième avec seulement deux positions de pointe, soit autant que le pilote Benetton, Teo Fabi. Prost, Mansell et Rosberg, comptent respectivement une pole chacun.

Cependant, un peu comme en 2010, le plus rapide n’est pas forcément le mieux placé au championnat. En effet, au soir du Grand Prix d’Italie, Mansell pointe en tête avec 61 points, devant Piquet (56), Prost (53) et Senna (48).

Grand Prix du Portugal

Ne perdant pas ses bonnes habitudes, Ayrton Senna empoche sa 7ème pole position de la saison, devant Nigel Mansell et Alain Prost. Nelson Piquet, quant à lui, se retrouve un peu plus loin derrière les deux Benetton, en 6ème position.

Au départ, Mansell s’empare de la tête devant Ayrton Senna et Berger. Derrière ce trio, Piquet prend le dessus sur Fabi et un Prost dans un mauvais jour. En effet, le Français vient de perdre son frère aîné, Daniel, victime d’un cancer, et qui est en quelque sorte à l’origine de la vocation de son frère puisque c’est lui le passionné d’automobile de la famille Prost, celui qui traîne Alain sur les courses et lui fait faire ses premiers tours de karting. Vivant reclus dans sa chambre d’hôtel avec ses plus proches amis, le « Professeur » se contente du minimum syndical dans le paddock et ne semble pas vraiment dans sa course.

Mansell file vers sa 5ème victoire de la saison, après avoir dominé de la tête et des épaules cette course, tandis que dans les derniers tours, Prost profite d’un tête-à-queue de Piquet (en chasse sur Senna) et d’une panne d’essence de Senna dans le dernier tour pour s’emparer de la 2ème place, devant Piquet et Senna.

Comme un symbole, Prost et Piquet resteront les seuls dans le même tour que Mansell, la mésaventure de Senna l’écartant prématurément de la course au titre.

1er – Mansell (70 pts) ; 2ème – Piquet (60) ; 3ème – Prost (59) ; 4ème – Senna (51).

Grand Prix du Mexique

Après 16 ans d’absence, le Grand Prix du Mexique fit son retour au calendrier du championnat du monde. L’occasion pour Senna de rafler sa 8ème pole de la saison, devant Piquet et Mansell, tandis que Prost s’élance à son tour de la 6ème place sur la grille de départ, derrière la Benetton de Berger et la Brabham de Patrese.

Alors qu’il peut se contenter de gérer sa course pour empocher le titre, Mansell rate son départ et perd 15 places pour se retrouver 18ème à la fin du premier tour. Pendant ce temps-là, Piquet prend le dessus sur Senna devant Berger et Prost.

Au 11ème tour, Mansell est en 9ème position mais rentre aux stands pour en ressortir à la 17ème place. Les leaders le suivront une vingtaine de tours plus tard : Prost au 30ème, Piquet au 31ème laissant la tête à Senna pour 4 tours, le Brésilien changeant ses gommes au 36ème tour. En tête, Berger, qui ne s’est pas arrêté, pense que ses Pirelli peuvent tenir jusqu’à la fin de la course qu’il s’en va remporter devant Prost, qui a disposé de Senna et Piquet. Les pilotes Williams finissent la course 4ème et 5ème mais victimes d’un problème de tenue des pneus Goodyear, ils ne doivent leur place qu’aux abandons de Johansson sur panne de turbo et Patrese, pris dans un accident.

1er – Mansell (70 pts) ; 2ème – Prost (64) ; 3ème – Piquet (63).

N.B. : Dû à une subtilité du règlement, qui ne prenait en compte que les 11 meilleurs résultats, la 5ème place de Mansell lui fut décomptée, tout comme Prost s’était vu décompter deux 6èmes places en cours de saison.

Grand Prix d’Australie

Au classement pilotes, Nigel Mansell reste donc un confortable leader et il lui suffit de prendre les points de la 4ème place pour être titré, peu importent les résultats de ses rivaux.

Pour Prost et Piquet, la victoire est un impératif et chacun devra prendre soin de précéder l’autre, en plus de Mansell.  Pourtant, Prost est plutôt confiant. Pourquoi ? Il l’expliquera très bien lui-même, 2 ans plus tard, dans son autobiographie, Maître de mon destin (un bon bouquin mais bourré de fautes d’orthographes… comme dans le présent article) : « Pourquoi confiant ? Parce que, contre Mansell, je n’étais pas tout seul. Pour l’empêcher de gagner, il y avait déjà Rosberg [mon coéquipier], qui avait dit qu’il courrait pour moi, et je croyais en sa parole, et il y avait… Piquet. Il était à couteaux tirés avec son équipier. Enfin, Nigel jouerait son éventuel premier titre de champion du monde, et j’imaginais facilement le poids qui pesait sur ses épaules. Moi, j’étais débarrassé de ce spectre, et Piquet aussi, a fortiori. »

Finalement, Prost ne put compter ni sur Rosberg, ni sur Piquet, ni sur Mansell pour aller conquérir sa seconde couronne mondiale de suite : les Dieux du sport allaient en décider autrement.

Une nouvelle fois, cette saison, le Français subit la loi des ses rivaux en qualifications, accusant 1,2 seconde de retard sur Mansell qui occupe la pole position devant Piquet, et un peu plus de 7 dixièmes derrière Senna avec qui il partage la deuxième ligne. Pourtant, au warm up, le dimanche matin, les McLaren se montrent plus fringantes que la veille.

Au départ, Mansell maintient l’avantage de la pole devant Piquet et Senna tandis que Rosberg prend l’ascendant sur Prost. Au virage suivant, Senna s’empare de la tête de la course tandis que quelques hectomètres plus loin, Rosberg prend l’avantage sur Mansell qui descend donc en 4ème position juste devant Prost. Dans la longue pleine charge du circuit d’Adélaïde, Piquet reprend l’ascendant sur son jeune compatriote et s’empare de la tête de la course. Senna se fera rapidement dépasser par Rosberg, Mansell puis Prost avant d’abandonner sur problème moteur un peu plus tard dans la course.

Après 5 tours, Mansell est donc 3ème avec 10 secondes de retard sur son coéquipier et Rosberg intercalé. Mais deux tours plus tard, le Finlandais porte l’estocade sur la Williams du double champion du monde brésilien et s’empare de la tête : Rosberg 1er, Piquet 2ème, Mansell 3ème et Prost 4ème. Après avoir passé Mansell, le Français prit en chasse Piquet et le poussa à la faute au 23ème tour. Parti en tête-à-queue, Nelson cède sa deuxième place à Prost (dont on pense qu’il bénéficiera de la générosité de Rosberg pour l’emporter) et laisse également passer Mansell. Pendant un temps, le Brésilien reste à distance de son coéquipier, semblant être en difficulté avec ses pneus, mais il n’anticipera pas son arrêt pour autant. Alain Prost, lui, n’eut pas d’autre solution que de passer par les stands plus tôt que prévu. En effet, après avoir escaladé une bordure, Prost est victime d’une crevaison lente et rentre immédiatement aux stands changer de gommes. L’arrêt est catastrophique, 17 secondes, contre 7 secondes pour les Williams depuis le début de saison : le Français se retrouve 4ème mais à une vingtaine de secondes des Williams et encore plus loin de son coéquipier qui mène toujours la danse, tambour battant.

Pourtant, Prost profite de ses pneus frais et se joue mieux du trafic que les Williams – qui roulent en convoi et ne se font pas de cadeau – pour remonter très fort sur Mansell et Piquet. Mais au 63ème tour, Rosberg éclate à son tour un pneumatique et se range sur le côté : la lutte pour la deuxième place devient dès lors une lutte pour la première. Le titre semble joué, les trois hommes de tête bénéficiant d’une considérable avance sur le 4ème homme, Mansell peut baisser le rythme et se contenter de la 3ème place en laissant les miettes de la victoire à ses rivaux. Il n’en aura cependant pas l’occasion, puisque deux tours seulement après Rosberg, il éclate à son tour un pneu, à plus de 260 km/h et parvient à contrôler sa voiture pour éviter le crash : malgré tout, la course est finie et ses chances de titres avec. Piquet et Prost peuvent donc se disputer le titre qui reviendra à celui qui remportera la course. Mais la lutte est de courte durée, puisque Williams rappelle immédiatement son pilote aux stands pour lui faire chausser une nouvelle monture de pneus. C’est à cet instant que le dessein des Dieux du sport se fait jour : Prost, après sa crevaison, ne doit plus repasser par les stands – sauf incident – et bénéficie donc d’une vingtaine de secondes d’avance sur Piquet, avec une quinzaine de tours à parcourir encore. Comme le dira James Hunt dans son commentaire en direct : « Il reste à finir le job ! » Bien que pouvant économiser ses pneus et son essence, le Français maintient l’écart autour des 20 secondes jusque dans les derniers tours où il se montre plus attentif à sa consommation.

Prost s’impose donc pour une poignée de secondes devant Piquet et s’arrête quelques dizaines de mètres après la ligne d’arrivée, sans doute à sec. Il aligne son deuxième sacre d’affilé au terme d’une course que la presse qualifiera de « thriller ». Quelques mois plus tard, Piquet déclarera : « Tout ce que je sais, c’est que l’an passé avec Mansell, nous avions incontestablement les deux meilleures voitures. Et il y a un petit Français, au nez cassé et tordu, qui a réussi à nous avoir… et il nous a bien eus ! »

1er – Prost (72 pts) ; 2ème – Mansell (70) ; 3ème – Piquet (59).

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1999

Le début de saison

La saison 1999 restera comme une saison improbable plus disputée que prévu… Le premier Grand Prix de la saison contribua à donner le ton avec une domination outrageuse en qualifications des McLaren. Sur la grille, les Stewart de Barrichello et Herbert prirent feu, tandis que Michael Schumacher se rata dans le tour de chauffe. La deuxième ligne fut donc laissée vacante, ouvrant ainsi un boulevard à la Jordan de Frentzen et à la Ferrari d’Irvine. Après avoir pris le dessus sur l’Allemand, Irvine profita des abandons des deux McLaren sur problèmes mécaniques pour signer la première de ses 4 victoires en carrières, toutes cette année-là. La domination McLaren se confirma par la suite, avec 3 victoires pour Mika Häkkinen tandis que Michael Schumacher remporta deux Grands Prix. Le début de saison fut également celui des occasions manquées et des opportunités pour des outsiders comme Rubens Barrichello et Jean Alesi (Sauber) qui se placèrent en première ligne d’un Grand Prix de France marqué par la pluie et remporté par Heinz-Harald Frentzen.

Mais le plus fou allait arriver en Grande-Bretagne avec l’abandon de Michael Schumacher dès le premier tour. Alors qu’il tentait de dépasser son coéquipier au virage de Stowe, l’Allemand sortit et heurta brutalement le mur, se fracturant ainsi la jambe. Remportée par David Coulthard, la course vit également l’abandon de Mika Häkkinen après avoir perdu une roue en route. Irvine, « valet de pied » de Schumacher est dès lors promu leader de l’écurie et remporte coup sur coup le Grand Prix d’Autriche au nez et à la barbe des McLaren et le Grand Prix d’Allemagne, en tête d’un doublé Ferrari avec Mika Salo qui remplace Schumacher. À cette occasion, l’Irlandais profite d’un nouvel abandon d’Häkkinen pour s’emparer de la tête du championnat. Häkkinen, Coulthard et Frentzen s’imposent ensuite, respectivement en Hongrie, en Belgique et en Italie, tandis qu’Irvine rentre tout le temps dans les points et profite d’un nouvel abandon du Finlandais en Italie pour occuper avec lui la première place ex æquo.

À cet instant, 5 pilotes restent mathématiquement en course pour le titre, mais Schumacher ne participant pas à l’épreuve suivante, ne sera donc pas de la fête.

1ers – Häkkinen et Irvine (60 pts) ; 3ème – Frentzen (50) ; 4ème – Coulthard (48) ; 5ème – Schumacher (32).

Grand Prix d’Europe

De retour en Allemagne, sur le Nürburgring cette fois-ci, à l’occasion du Grand Prix d’Europe, Heinz-Harald Frentzen a besoin d’un bon résultat pour maintenir ses espoirs de titre intacts. Il commencera son week-end de la plus belle des manières en s’emparant de la pole position devant les deux McLaren tandis qu’Eddie Irvine doit se contenter d’une « lointaine » 9ème place.

Commença alors une course étonnante, après un premier départ annulé pour mauvaise mise en place sur la grille de départ. Lors du second départ, Frentzen prit un excellent envol, mais, au milieu du peloton, pour éviter la Jordan de Damon Hill, Wurz (Benetton) se décala sur la gauche et percuta la Sauber de Diniz qui partit immédiatement en tonneaux. Déployée pendant 6 tours, la Safety Car s’effaça, permettant à Irvine de prendre le dessus sur Panis alors 6ème.

La pluie fit soudainement son apparition, provoquant, comme il est de coutume, la confusion entre les pilotes passant par les stands et ceux restant en piste. Dans le lot, Ferrari se fit remarquer en laissant Irvine de longues secondes juché sur ses cales, la roue arrière droite manquant à l’appel. En tête de la course, Ralf Schumacher fait montre de son talent sous la pluie en passant Coulthard et en menant la chasse à Frentzen, le leader de la course.

Alors que la pluie cesse, Häkkinen rentre de nouveau, suivi un peu plus tard par Fretzen qui s’arrêtera quelques hectomètres après la sortie des stands suite à un problème mécanique. Coulthard hérita alors de la tête de la course jusqu’à ce que la pluie fasse son retour et que l’Écossais sorte de la piste, laissant les rênes du peloton à Ralf Schumacher qui ne tarda pas à céder sa place à Giancarlo Fisichella sur Benetton suite à une crevaison. L’Italien alla à son tour à la faute quelques tours plus tard, ouvrant la voie à une victoire inattendue de Johnny Herbert pour le compte de Stewart, devant la Prost de Trulli et l’autre Stewart de Barrichello. Häkkinen réussit à sauver les 2 points de la 5ème place tandis qu’Irvine restait à la porte des points. Statu quo – ou presque – au championnat pilotes.

1er – Häkkinen (62 pts) ; 2ème – Irvine (60) ; 3ème – Frentzen (50) ; 4ème – Coulthard (48).

Grand Prix de Malaisie

Pour la course inaugurale en Malaisie, Michael Schumacher fit son grand retour au volant de la Ferrari. La F399 qui n’avait été que l’ombre d’elle-même ou presque, depuis le Grand Prix d’Autriche, entre les mains du vaillant Mika Salo, reprit des couleurs avec l’Allemand au volant qui relégua à une seconde son coéquipier et à 1,2 seconde la première des deux McLaren, celle de Coulthard. Frentzen passa quant à lui complètement à côté de sa qualification en signant un décevant 14ème chrono, synonyme de fin de ses espoirs de titre.

Michael Schumacher prit un excellent départ devant son coéquipier et les deux McLaren. Rapidement, cependant, il fut évident qu’Irvine éprouvait toutes les peines du monde à retenir les deux Flèches d’Argent. Schumacher décida alors de laisser Irvine prendre la tête et mit tout son savoir-faire à bloquer les deux principaux rivaux de l’Irlandais pour lui laisser prendre l’air.

Coulthard ne l’entendit pas de cette oreille et se défit de l’Allemand pour prendre de nouveau en chasse Irvine. Mais l’Écossais fut trahi par sa pompe à essence au 14ème tour et perdit, à cette occasion, tout espoir de sacre.

Schumacher continua de bloquer Mika Häkkinen avant d’attaquer de nouveau, en prévision de son prochain arrêt au stand, afin de se ménager une avance suffisante sur le Finlandais. McLaren tenta alors un pari en le basculant sur une stratégie à 2 arrêts, en espérant faire la différence pour maintenir Häkkinen devant Schumacher. Pari perdu puisque le travail de sape de l’Allemand reprit de plus belle après que le Finlandais soit sorti des stands tout droit dans ses échappements.

Avec 20 secondes d’avance, Irvine n’avait toujours pas l’arrêt d’avance qui lui était nécessaire sur le champion du monde en titre, mais Ferrari paria à son tour sur un nouvel arrêt du Finlandais. Ressorti 4ème derrière Schumacher, Häkkinen et Herbert, Irvine reprit la 3ème place à Herbert, ralenti par Schumacher. Comme prévu, le Finlandais retourna aux stands pour son dernier arrêt, laissant la voie libre à Irvine que Schumacher laissa passer en tête à quelques tours de la fin de course, non sans avoir montré au passage qu’il avait tout ce qu’il fallait pour être le vainqueur de la course en signant le meilleur tour avec près d’une seconde de mieux qu’Irvine…

Relancé en tête du championnat, l’Irlandais faillit néanmoins perdre le titre après cette course lorsqu’un commissaire déclara les Ferrari illégales, leurs déflecteurs ne respectant semble-t-il pas les cotes imposées par la FIA. Ferrari fit cependant appel auprès de la Fédération qui conclut à une erreur de mesure et valida le doublé des pilotes de la Rossa.

1er – Irvine (70 pts) ; 2ème – Häkkinen (66) ; 3ème – Frentzen (51) ; 4ème – Coulthard (48).

Grand Prix du Japon

Avec 4 points d’avance sur son rival, Eddie Irvine ne peut cependant se contenter de viser une seconde place derrière lui, qui les ramènerait à égalité avec l’avantage du nombre de victoires en faveur d’Häkkinen. La donne est simple, le pilote Ferrari doit finir devant le Finlandais ou dans ses échappements pour être sacré. Malgré tout, l’Irlandais possède un atout de taille en la personne de Michael Schumacher qui peut une nouvelle fois faire obstacle à la bonne marche des McLaren et les priver de la victoire. Un atout qui peut malgré tout s’avérer être un inconvénient, le double champion du monde allemand pouvant très bien ne pas mettre la même volonté qu’en Malaisie à faciliter la destinée de premier champion Ferrari depuis 20 ans qui lui était promise et pour laquelle il avait tant sacrifié.

Dès les qualifications, la tâche d’Irvine se compliqua. Si Schumacher joua sa partition à la perfection en signant la pole (sans livrer pour autant une démonstration) devant les deux McLaren, l’Irlandais se qualifia en 5ème place, derrière la Jordan de Frentzen mais surtout à 1,5 seconde de son coéquipier et donc plus d’une seconde d’Häkkinen.

Le champion du monde 1998 prit l’avantage sur Schumacher dès le départ, pour s’envoler vers sa 5ème victoire de la saison et son deuxième titre consécutif, devant Michael Schumacher et Eddie Irvine, relégué à plus d’une minute du duo de tête. En effet, le Finlandais en tête, l’Irlandais n’était plus maître de son destin et l’offrande de la deuxième place par Schumacher aurait été sans conséquence pour le titre. Schumacher fit sa propre course, se tenant à l’affût d’une erreur d’Häkkinen qui le reléguerait en seconde place, mais ce jour-là, le Finlandais fut irréprochable et sans doute l’Allemand lui en fut-il reconnaissant.

1er – Hakkinen (76 pts) ; 2ème – Irvine (74).[tab:END]

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