Technique : la flexibilité des Red Bull démasquée

Depuis l’exclusion des deux Red Bull des qualifications du Grand Prix d’Abu Dhabi 2014, on en sait plus sur le dispositif permettant à l’aileron avant des RB10 de se déformer à haute vitesse, et qu’a démasqué le délégué technique de la FIA, Jo Bauer.

Avant toute chose, comprenons bien pourquoi les deux monoplaces autrichiennes ont été déclarées illégales. Précisions tout d’abord qu’il n’est nullement question des tests de flexibilité énoncés à l’article 3.17 du Règlement Technique, comme l’ont pourtant rapporté certains sites. En effet, dans le court rapport transmis aux commissaires sportifs du Grand Prix d’Abu Dhabi, Bauer explique que « les flaps de l’aileron avant [les éléments les plus en hauteur et les plus inclinés, ndlr] ont été conçus pour se déformer sous la charge aérodynamique » : « À mon avis, cela n’est pas conforme avec l’article 3.15 du Règlement Technique de la Formule 1. »

L’article en question stipule en effet qu’à quelques exceptions près, notamment le DRS, « toute partie spécifique de la voiture influençant ses performances aérodynamiques […] doit être fixée de manière rigide (c’est-à-dire sans aucun degré de liberté) à la partie entièrement suspendue de la voiture [cela désigne la partie de la voiture qui bouge par rapport aux roues du fait des mouvements de suspension, c’est-à-dire le châssis, le moteur, la carrosserie, etc., ndlr] [et] rester immobile par rapport à la partie suspendue de la voiture. »

En clair : les seuls éléments mobiles autorisés sur une monoplace de F1 sont la direction, la suspension et le DRS – même l’action du pilote n’est pas sensée interférer avec les flux d’air, comme cela se faisait du temps du F-Duct en 2010. Mais cet article est dans les faits peu applicable tel quel : tout matériau, même parmi les plus rigides, se déforme sous une contrainte, tout étant question d’amplitude de la déformation. C’est donc pour couvrir cette flexibilité naturelle que la FIA énonce dans l’article 3.17 des limites de déformation à l’application de charges données en un point précis de la carrosserie, notamment l’aileron avant (article 3.17.1).

Mais en quoi le dispositif de Red Bull contrevient-il au règlement ? Les informations du journaliste britannique Adam Cooper permettent d’y voir plus clair.

Chaque monoplace de Formule 1 est équipée d’un système (la toute petite partie avec un contour bleu ciel fin sur la photo ci-dessous) permettant, à l’arrêt, de régler l’appui de l’aileron avant, au moyen d’un pistolet. Le mouvement de ce pistolet actionne une vis qui remonte – ou abaisse, selon le sens de rotation – le flap le plus haut (partie éclaircie avec un contour rouge épais) afin d’augmenter – ou de diminuer – l’appui et la traînée générés et de régler l’équilibre aérodynamique de la monoplace.

C’est au cœur de ce mécanisme, sous le minuscule carénage (contour bleu ciel), que se trouve la combine : alors que normalement, elle conditionne directement la position du flap, chez Red Bull, la vis modifie la position d’un assemblage composé d’un ressort à lames et d’une enveloppe en caoutchouc. Cet ensemble est enserré par une tige fixée sur le flap. Au fur et à mesure que l’appui aérodynamique augmente, quand la monoplace prend de la vitesse, le ressort se comprime et l’inclinaison du flap diminue. Même si cela provoque une légère pénalité en termes d’appui, et donc de vitesse de passage en courbe, notamment dans les virages rapides, cela permet de diminuer drastiquement la traînée en bout de ligne droite et d’y gagner quelques précieux km/h. Et justement, le caoutchouc est là pour s’opposer à l’action du ressort jusqu’à une certaine charge et donc faire en sorte que la déformation ne prenne effet qu’à partir d’une certaine vitesse, afin de limiter la perte d’appui dans les virages lents et intermédiaires.

On est donc loin de la flexibilité naturelle et involontaire d’une pièce en carbone : il s’agit d’un dispositif savamment dissimulé – tout le dispositif se trouve dans un volume très réduit, et le caoutchouc recouvre entièrement le ressort – et conçu pour contrevenir intentionnellement au règlement, puisque cela introduit indiscutablement, et sans aucune interprétation possible du règlement, un degré de liberté entre le flap et le reste de l’aileron. La non-conformité des RB10 est donc réelle, et l’exclusion est par conséquent entièrement logique – malgré le fait que les commissaires n’aient pas du tout développé leur raisonnement dans le document officialisant leur décision -, puisqu’il n’y a pas de demi-mesure entre une voiture légale et illégale. Et jusqu’à preuve du contraire, aucune autre écurie n’a été attrapée avec un tel système, ce que sous-entend pourtant le communiqué de l’écurie autrichienne réagissant à la sanction.

On laissera chacun, pour finir, se faire une idée de la longueur de la période de temps pendant laquelle Red Bull a floué la FIA en utilisant ce stratagème.

2 Comments

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.