L’épopée Peugeot en Formule 1

L’histoire de la Formule 1 a été marquée par de nombreux constructeurs, allant du grand groupe mondial au petit artisan « garagiste ». Mais rarement une entreprise comme Peugeot n’aura marqué son époque et sa discipline. Retour sur le légendaire parcours du constructeur français dans un article objectif et neutre qui n’a pas du tout pour ambition de s’attirer les bonnes grâces du jury des Golden Blog Awards.

Sept saisons. C’est le temps qu’il aura fallu à la marque au lion pour laisser une indélébile trace en Formule 1. Et seulement en fournissant des moteurs.

[tab:1994, Ambition]

1994, l’entrée en fanfare

Tout commence en 1994. Au sortir d’une saison difficile avec un moteur Ford Cosworth poussif, mauvais même, nul, McLaren – l’équipe où Alain Prost et Ayrton Senna ont écrit une grande partie de leur propre légende – a l’honneur de pouvoir monter dans sa MP4/9 un moteur V10 conçu par Peugeot.

Le Brésilien ne le sait pas encore et quitte Woking pour Grove. Si seulement il avait su… Car oui, Ron Dennis le dira plus tard, à l’occasion d’un entretien pour le site officiel de la Formule 1, en mai 2014 : « A partir du moment où nous avons obtenu des moteurs d’usine de Peugeot, il m’a appelé et a dit : ‘’Si vous aviez conclu ça deux mois plus tôt, je serais resté.’’ Il ne voyait aucun moyen de gagner sans moteur d’usine. » Alain Prost, lui-même, quadruple-Champion du Monde, dira pour Autosport, en février 1994, que « McLaren-Peugeot représente un challenge formidable ». Les grands se reconnaissent…

Mais, même sans Ayrton (d’ailleurs auteur d’une saison en demi-teinte), la magie doubiste agit immédiatement. Certes, les deux premiers Grands Prix verront deux casses moteur – ça arrive – mais à Imola, c’est le jackpot. Mika Hakkinen monte sur le podium au terme d’une course dont les gens se souviennent encore aujourd’hui pour cela. Demandez, d’ailleurs, dans la rue : « Imola 1994 ? » ; du tac au tac, on vous répondra : « Le premier podium de Peugeot en F1 ! » A Monaco, le conte de fée se poursuit : Martin Brundle termine 2nd à 37 secondes, à peine, de Michael Schumacher et son illégale Benetton dotée d’un moteur lui-même sans doute illégal.

Logiquement favorites pour les manches suivantes, les McLaren dont tout le paddock comprit qu’elles possédaient, avec le Peugeot A6 V10 3.5, une arme ultime, subiront six inexplicables casses moteur, en cinq GP. A Silverstone, toutefois, Mika Hakkinen brandira à la face du destin – et sans doute du complot et du sabotage ourdis par les concurrents de la marque française – un doigt d’honneur en forme de trophée de la troisième place, acquise de haute lutte, après la logique disqualification de l’autre allemand avec sa voiture et son moteur de tricheurs. Au soir du Grand Prix de Grande-Bretagne, McLaren pointe fièrement à la quatrième place du classement des constructeurs, à égalité avec les valeureux concurrents de Jordan-Hart.

Le temps d’une introspection bienvenue dans les rangs de McLaren, lors des courses d’Hockenheim et du Hungaroring, et la fin de saison sera quasi-légendaire. Quatre podiums consécutifs pour Mika Hakkinen qui devient, logiquement, aux yeux du monde de la F1, un futur grand, même si les plus fins observateurs ne manqueront pas de saluer le rôle du motoriste tricolore dans cette rapide ascension. La saison s’achèvera sur une troisième place en apothéose, pour Martin Brundle, à Adelaïde. Des esprits chagrins mettront en avant l’accrochage entre Schumacher et Hill, mais tout le monde le sait : après cette première saison, Peugeot a prouvé avoir l’étoffe des champions.

En fin d’année, conscient que McLaren n’est pas l’écrin qui lui siéra le mieux pour continuer son irrésistible ascension vers les sommets, le Lion se tourne volontairement – et non pas, comme ce fut écrit à tort, après que Ron Dennis ait décidé d’utiliser le contrat de trois ans initial pour allumer le feu dans sa cheminée lors d’un hiver, il est vrai, très frisquet dans le Surrey – vers un nouveau défi, vers une écurie alliant fougue, expérience et perruques irlandaises psychédéliques : Jordan.

McLaren, de son côté, fera l’étonnant choix d’un moteur Mercedes. Des Allemands, donc, en Angleterre, quand on sait ce qu’ils leur ont fait en 1940… Mais ça ne choque personne. D’ailleurs, la collaboration de 20 ans entre les deux équipes se soldera par… un titre, en 1998. Super.

[tab:1995, Confirmation]

1995, proche de l’exploit

Eddie Jordan, le fantasque directeur de Jordan Grand Prix, comprend vite qu’avec Peugeot, sa petite équipe de bouseux entre dans une nouvelle dimension. « C’était un don du ciel, » a-t-il admis, lucide, dans son autobiographie An Independent Man. « Notre association avec Peugeot et Total était une opportunité trop bonne pour être manquée. » Comme il avait raison. Et, dès la présentation de la Jordan 195, en janvier 1995, il annonce la couleur : « Nous sommes maintenant responsables de l’image d’un constructeur mondial. Pas d’excuse, il nous appartient dorénavant de gagner notre première course. »

La première année de collaboration entre les deux géants se passe on-ne-peut-mieux. Les deux premières courses donnent le ton : les deux boites de vitesses ne tiennent pas le choc à Interlagos et les deux moteurs partent en fumée à Buenos Aires. Jordan et Peugeot, trop en avance sur leur temps, doivent modérer leur génie créateur. Une fois à point, en ordre de marche, il n’y a plus qu’à laisser parler le talent. Et le Grand Prix du Canada 1995 marquera d’une pierre blanche la fructueuse collaboration franco-irlandaise.

Partis respectivement 8ème et 9ème, les deux jeunes loups – dont le talent sera plus tard reconnu et salué au sein de la Scuderia Ferrari – que sont Eddie Irvine et Rubens Barrichello produiront une prestation de toute beauté. Dès le départ, Herbert, avec la voiture des tricheurs, et Hakkinen, au volant d’une McLaren bien, bien pâle, s’accrochent. Bien fait. Rubens et Eddie pointent déjà aux 6ème et 7ème rangs. La remontée fantastique se poursuit dès le deuxième tour : Coulthard, fidèle à sa réputation, ne déçoit pas et part à la faute. Il doit abandonner. BOUM, une place de gagné ! Après, il faut attendre le 35ème tour pour que Berger daigne s’écarter, victime d’une panne d’essence alors qu’il venait de passer Hill pour la troisième place. Ce dernier, d’ailleurs, sous la pression des deux Jordan et de leur tonitruant V10, sollicitera trop sa boite de vitesses et abandonnera au 50ème passage.

A 18 tours de l’arrivée, la donne est simple : devant Barrichello et Irvine se trouvent l’Allemand mangeur d’enfants et Alesi. Mais, il y a une justice : Schumacher est victime d’un problème de volant et s’immobilise longuement aux stands. C’est donc la Ferrari du sympathique Français qui prend la tête. Mais, tout le monde le sait et, même, l’espère – tellement la supériorité aussi bien en performance qu’en fiabilité du bloc Peugeot est criante – la malchance d’Alesi va le rattraper. C’est une question de minutes. 5, 4, 3, 2… dernier tour avant le drapeau à damier. Chez Jordan, le champagne est déjà ouvert et commence à couler dans les flûtes. Mais non. Bizarrement, Alesi gagne. Comme par hasard quand Peugeot se dirige vers le succès. Une nouvelle fois, et malgré le premier double-podium de son histoire, la marque sochalienne est privée de la victoire. Alesi aura même l’arrogance de stopper sa Ferrari dans le tour d’honneur et de monter sur la Benetton-Renault de Schumacher. Terrible. Le public ne s’y trompe pas : le circuit de Montréal est envahi par des spectateurs dépités qui marquent ainsi leur soutien à Jordan-Peugeot.

La suite de la saison 1995 sera bonne : aux 12 points glanés au soir de la manche québécoise viendront s’ajouter 9 unités, avec deux quatrième places héroïques pour Barrichello au Nurburgring et pour Irvine à Suzuka, à chaque fois sous la pluie, où les qualités de puissance du V10 de Vélizy peuvent s’exprimer à plein. L’Irlandais se permettra aussi de mettre le feu à Spa avant de devoir se retirer. Pour le motoriste, le bilan de cette première année de collaboration est très satisfaisant : cinq moteurs ont lâchés en course, seulement. Jordan pointe au 6ème rang du classement constructeurs, devancée de peu par Ligier-Mugen Honda et McLaren-Mercedes, qui peut se mordre les doigts d’avoir troqué un superbe lion contre une étoile toute pourrie qui ne lui rapporte que neuf points de plus. 1996 est pleine de promesses…

[tab:1996-1997, Raison]

1996-1997, le moteur de la maturité

A l’intersaison, Schumatricheur est transféré chez… Ferrari. Ca ne s’invente pas. Eddie Irvine quitte Jordan pour Maranello, lui aussi, n’oubliant surtout pas d’emmener avec lui les secrets industriels confiés par Peugeot et qui seront, tous les experts le disent, à la base des succès futurs de la Scuderia. Pour le remplacer, le volant de la 196 est confié à une valeur sûre, un pilote confirmé, talentueux et, surtout, qui a déjà eu le privilège de rouler avec un moteur du lion : Martin Brundle.

Et rapidement le Britannique se signale. Il n’attend pas longtemps, comme pour montrer que cette saison sera la sienne. Dès Melbourne, il s’envole. Au sens propre. Sur l’arrière de la McLaren de Coulthard, sans doute ralentie par un raté – encore un ! – du moteur Mercedes. Les images sont effrayantes, spectaculaires, incroyables et finalement, un peu décevantes car dans l’amas de débris, de métal et de carbone, personne ne peut vraiment voir le nom de Peugeot. Brundle s’en sort indemne, c’est mieux que rien. Il participe même au second départ. Et puis il s’accroche. Avec Diniz. AU MÊME VIRAGE.

Pour le reste de la saison, Peugeot et Jordan prennent alors volontairement le parti de vivre cachés pour vivre heureux et de porter l’estocade une fois le fruit de leur travail à maturité. Et le plan est suivi parfaitement par les deux pilotes qui se gardent bien de monter sur le moindre podium afin ne pas éveiller les soupçons de la concurrence. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : trois 4ème places, quatre 5ème places et cinq 6ème places, autant dire que la mécanique est bien huilée. Leur conscience professionnelle est telle qu’ils se permettront même d’établir le record d’abandons sur « tête-à-queue » en une année. Jordan termine 1996 en 5ème position du classement constructeurs, avec 22 points. La confiance est absolue, un seul moteur a lâché en course. 1997, nous voilà !

A l’hiver, exit Brundle qui prend enfin sa retraite et exit Barrichello qui fait l’étonnant choix de rejoindre l’écurie Stewart – sans doute préfère-t-il le tartan aux trophées. Pour les remplacer, Eddie Jordan fait confiance à deux jeunes loups aux dents longues, des futurs cracks : Giancarlo Fisichella et Ralf Schumacher. Oui, le frère de l’autre. L’ambition est claire, nette, limpide : cette fois, c’est la bonne, Jordan et Peugeot vont gagner.

Les promesses sont tenues dès le Grand Prix d’Argentine. Pour la 100ème course de Jordan, le départ est bon, pas seulement parce que les accrochages du premier tour éliminent M. Schumacher, Barrichello et Coulthard, mais surtout parce que les deux voitures jaunes les évitent. Dès lors, Ralf – dont le talent dépasse déjà celui de son frère, d’assez loin – et Giancarlo peuvent mener une course d’équipe, solide, propre. Au 25ème tour, toutefois, une légère mésentente entre Rara et Fifi, sur la question de savoir lequel des deux devait prendre la corde, ne laisse plus que l’Allemand pour porter les espoirs de toute une équipe et de tout un constructeur. Et il ne faillit pas : il monte sur la troisième marche du podium, le premier de sa longue et prestigieuse carrière.

A partir de là, les résultats s’enchaînent, implacables, inéluctables. Fisichella signe au Canada son premier podium, qui aurait sans doute pu se transformer en victoire si Olivier Panis n’avait pas bassement stoppé sa Prost en plein milieu de la piste pour faire son intéressant. Ce n’est que partie remise : l’Italien, Jordan et Peugeot auront une nouvelle chance de s’installer à la place qui est la leur.

Lors du Grand Prix d’Allemagne, Fisichella se qualifie en 2ème position. Devant lui, Berger sur Benetton qui revient à la compétition après s’être fait opérer des sinus. Une opération suspecte donc pour une voiture qui l’est tout autant. Rapidement, l’on comprend que la Jordan est supérieure : les longues lignes droites d’Hockenheim font la part belle au V10 Peugeot et, logiquement, Fisico finit par prendre la tête. Mais Berger, étonnamment rapide lui aussi avec, pourtant, un pauvre moteur Renault qui, cette année-là encore, sera loin de briller, reprend l’avantage. Il s’échappe en plus, le bougre. Qu’à cela ne tienne : Giancarlo attaque, donne tout et finit par stabiliser l’écart. Il revient, il revient, là cette fois, c’est sûr, c’est bon, ça va le faire. Et puis crevaison. Le monde de la F1 est en larmes. Même Michael Schumacher, après la fin de course, décide de porter en triomphe le héros de tout un peuple, de tout un continent. Mais bon, un Autrichien gagne en Allemagne devant un Allemand et un blond aux yeux bleus. Tout va bien : les bretzels et la bière sont de sortie.

Malgré un ultime podium pour Fisichella, en Belgique, et un ultime accrochage entre les deux équipiers, au Luxembourg, le cœur n’y est plus. Peugeot n’a plus la patience d’attendre. Il lui faut autre chose, un constructeur à sa mesure. Et malgré les supplications larmoyantes d’un Eddie Jordan qui a bien compris qu’en fournissant des châssis médiocres durant ces trois années il avait manqué sa chance de devenir quelqu’un et d’avoir un yacht, la marque française se tourne vers l’avenir. Toujours dans son ascension vers les sommets, le lion tient à accompagner l’autre légende du sport automobile français dans la prometteuse aventure Prost Grand Prix.

Jordan, de son côté, se fourvoiera totalement aux yeux du monde de la F1 en faisant confiance à ce parvenu de Damon Hill et à Mugen, vague préparateur de moteurs chargé de faire passer les rebuts de Honda pour des propulseurs performants mais qui sont tout juste bons à faire gagner une Ligier à Monaco, sous la pluie, quand il reste 3 voitures en piste. Rien de bien glorieux, donc.

[tab:1998-1999, Re-ambition]

1998-1999, la F1 à la française

L’historique partenariat de 5 ans – ramené à 3 à deux jours de l’annonce – entre Prost et Peugeot est présenté dès 1997, en grandes pompes. Autour de lui, Alain Prost veut fédérer une véritable armada française et fait appel à des sponsors prestigieux tels que Bic, Alcatel ou encore Agfa. « L’équipe de France de F1 » est en marche. L’ambition est forte mais mesurée. Pierre-Michel Fauconnier, directeur de Peugeot Sports, déclare de manière réaliste pour le magazine Stratégies en janvier 1998 : « Avec Prost, nous avons les moyens de devenir champion du monde de Formule 1 avant l’an 2000. »

Parallèlement, estimant qu’une seule réussite n’est pas suffisante, Peugeot s’engage en Championnat du Monde de rallye, sous l’impulsion de son nouveau président, Jean-Martin Folz, qui a remplacé Jacques Calvet, ce dernier étant à l’origine du contrat avec Prost. Le quadruple-champion du monde émet alors quelques réserves sur la possibilité du constructeur français de s’impliquer sur deux fronts, mais rapidement ces doutes vont s’évanouir tant la volonté de réussite est farouche et tant les moyens sont à la hauteur des ambitions à Sochaux.

Sur la piste, le V10 vélizien est associé à la prometteuse AP01, qui rend quand même mieux que la JS43 et son moteur Mugen-Honda en bois. Malgré tout, il faut reconnaître que la saison est un chouia moins bonne que prévu. Il y aura tout de même de larges motifs de satisfaction, comme lors du Grand Prix d’Allemagne, où les deux voitures rallieront l’arrivée. Voilà.

Mais surtout, en 1998, c’est le Grand Prix de Belgique qui marquera le début d’une fructueuse collaboration. Après un premier départ qui laissa à David Coulthard le soin d’exprimer tout son talent en éliminant une quinzaine de voitures d’un coup, Jarno Trulli se joue des conditions dantesques pour réaliser ce que d’aucuns ont appelé, à raison, la « course du siècle ». L’Italien termine sixième sur huit pilotes à l’arrivée, et à seulement deux tours des leaders, Damon Hill et Ralf Schumacher, au volant de leurs… Jordan… Mugen-Honda. Bon.

En 1999, on prend les mêmes et on recommence. Prost, Peugeot, Panis et Trulli. Pourquoi changer une équipe qui gagne ? Mais cette fois, John Barnard, le génial ingénieur, aide à la conception de l’AP02. Et tout de suite, les effets s’en font ressentir. En Australie, Jarno Trulli est à la lutte pour le podium. Tout se passe bien. Et puis lors de la seconde voiture de sécurité, il ravitaille une fois. Puis deux. Puis au moment du restart s’accroche avec Marc Gené. Au Brésil, Olivier Panis inscrit le point de la sixième place. La dynamique est en marche : Jarno prendra un point en Espagne, puis Olivier un point en Allemagne. Les points pleuvent comme aux plus beaux jours. Quelle fierté.

Mais le chef d’œuvre de la saison restera sans conteste le Grand Prix d’Europe. S’élançant au 10ème rang, Trulli se retrouve rapidement… 12ème à la fin du premier tour, malgré un accrochage qui élimine trois voitures, dont Hill qui était devant lui. Mais par la suite, quelle maestria : il passe Alesi qui ravitaille, il passe Hakkinen qui ravitaille, il passe Irvine qui ravitaille, il passe Villeneuve qui ravitaille, il passe Salo qui ravitaille. Tout le monde croit qu’il a oublié de changer de pneus alors qu’il pleut, mais non ! Tout se passe comme prévu, il ressort huitième. Ensuite, il profite de la pluie pour prendre l’avantage sur Villeneuve, sur Barrichello, sur Frentzen qui abandonne, sur Coulthard qui abandonne, sur Fisichella qui abandonne et enfin, sur Ralf Schumacher qui crève. Ne reste plus devant lui que Johnny Herbert, ce sympathique Britannique au volant d’une Stewart, dont les deux seules victoires en discipline ont été inscrites avec une Benetton, en 1995. Ce qui permet de bien situer la valeur à accorder à de tels succès. Mais, là encore, le « destin » n’ouvrira pas les portes de la plus haute marche du podium, du champagne, du caviar et des prostitués à Peugeot. Second, c’est bien quand même.

Malgré un GP du Japon prometteur, la saison se finit d’une manière bien morne. Alain Prost a tout fait pour que Peugeot s’en aille de la discipline en cherchant un autre motoriste : Renault, Mercedes… Même s’il n’a pas fait l’affront de prospecter du côté de Mugen-Honda, quelque chose s’est brisé entre le champion français et la marque au lion qui se sent logiquement trahie au moment d’aborder la dernière saison de leur collaboration, qui s’annonçait pourtant des plus réussies.

[tab:2000, Désillusion]

2000, la fin à la française

En 2000, le duo de pilotes est composé de Jean Alesi et de Nick Heidfeld, un mélange d’expérience et de fougue. L’entente franco-allemande comme moteur pour le nouveau millénaire. L’alchimie entre les deux pilotes sera forte, très forte, fusionnelle même, surtout lors du Grand Prix d’Autriche où, à trop vouloir faire la course en tandem, ils s’accrochent et abandonnent tous les deux, presque main dans la main.

En coulisses, les choses vont de mal en pis. Les employés de Peugeot se rendent au siège de l’écurie et dans les paddocks des Grands Prix la peur au ventre, maltraités qu’ils sont par un Alain Prost plus tyrannique et sanguinaire que jamais. Dans la presse, c’est le déluge de fiel et d’horreurs : « Je m’attendais à plus de soutien, » déclare le directeur à la face d’un motoriste qui, lui, attendait un meilleur châssis. Puis Alesi d’en remettre une couche, alors que la dernière évolution moteur du V10 est mise entre ses mains : « Il continuait à accélérer lorsque je freinais et avait du mal à reprendre des tours lorsqu’il fallait repartir, » lâche-t-il, ingrat, pour Le Parisien.

C’en est trop ! Peugeot n’acceptant plus que son image soit salie par une bande de boyscouts un peu fascisants, une grève est organisée lors du warm-up du Grand Prix de France pour protester. Corrado Provera, le directeur de Peugeot Sport, affiche la cruelle vérité aux yeux du monde lors d’une conférence de presse assassine : « Notre moteur développait bel et bien 792 chevaux samedi. Nous avons tout fait pour donner le meilleur matériel possible. Il donnait toute satisfaction la semaine dernière, mais semble ne plus convenir aujourd’hui, d’après les commentaires que j’ai entendus. Je suis très perplexe. » BOUM, les losers. Le Grand Prix est finalement couru par Prost GP : Alesi et Heidfeld s’accrocheront encore mais termineront la course, loin des points. Cette équipe n’est décidément plus digne de rien. Et surtout pas d’arborer le lion.

Pas étonnant, dès lors, que le travail soit mal fait… « On a cassé 57 moteurs, ce qui est quand même un record du monde, » rira Alain Prost sur le plateau de Thierry Ardisson en février 2002. Quelle indécence, quelle ingratitude… En Belgique, alors qu’Alesi se battait vaguement pour les points, personne ne fut surpris de voir sa pompe à essence dysfonctionner. Tout se paie. Le bilan de la fin de saison de Prost est de zéro point, 24 abandons en 17 courses. Bravo Champion.

Et donc, lassé d’avoir trop rugi, fatigué d’avoir trop donné sans jamais rien n’avoir obtenu en retour, le lion se retire en paix, satisfait de sa vie, le sentiment du devoir accompli et l’impression d’avoir laissé plus qu’un nom en F1 : une empreinte, que dis-je, une poussière d’étoile.

[tab:Conclusion]
Le passage de Peugeot en F1 aura été, pour la marque française, un triomphe. Même si une minorité d’observateurs peu scrupuleux et avides de sensationnalisme ont vite fait de tordre les faits pour salir sa réputation, les résultats parlent d’eux-même : 20 tours menés, 14 podiums et 1 meilleur tour en sept saisons. Qui dit mieux ?

L’après-Peugeot aussi. En effet, Vélizy a constaté, non sans une pointe de satisfaction, que des trois écuries qu’elle a motorisées, deux ont rapidement mis la clef sous la porte, prouvant à quel point le problème venait d’elles. Prost GP disparaîtra début 2002 après un risible passage au moteur Ferrari rebadgé… Acer (LOL) en 2001 et Jordan fin 2005 après avoir pourtant réussi l’exploit de gagner des courses ou de terminer sur des podiums quand il n’y avait plus de voitures en piste, au Brésil en 2003 et aux Etats-Unis en 2005 (youhou).

McLaren, quant à elle, a remporté un titre constructeurs en 1998, certes, des titres pilotes en 1998, 1999 et 2008, re-certes, mais en 2007, les méthodes de ce constructeur sans honneur ont éclaté au grand jour et le faisceau lumineux d’une photocopieuse souillée par le scandale du Spygate aura mis en lumière l’ignoble morgue de ses dirigeants. D’ailleurs, depuis 2008, plus de titres – comme par hasard – et puis depuis 2013, un podium. Cool.

Sans rancoeur aucune, Peugeot s’est tourné avec succès vers le rallye, raflant trois titres constructeurs et deux titres pilotes entre 2000 et 2002 puis a illuminé l’Endurance de sa classe, remportant les 24 Heures du Mans en 2009 et l’International Le Mans Cup en 2010 et 2011, avant de s’en aller dans la douceur et en prévenant tout le monde, rassasié par tant de succès, début 2012.

Salut l’artiste. Merci pour ce moment.

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